Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/219

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amis… La « Sicile » devint donc, soit pour le Poète, soit déjà pour son modèle, la terre du sacrilège, du deuil et de la séparation. Sur la côte en face, les Romains, — en un aussi beau calembour, — découvrirent plus tard que Rhegium (notre Reggio) était la « Ville des Rois », regum.

Le Poète en use de même avec le nom d’un fruit, lotos, que mange un peuple du couchant, les Loto-phages. Ulysse est jeté par la tempête à la côte de ces Lotophages, « quand le courant de mer, le Borée et la houle lui ont fermé le détroit, puis le port de Cythère » :

Alors, neuf jours durant, les vents de mort m’emportent sur la mer aux poissons. Le dixième nous met aux bords des Lotophages, chez ce peuple qui n’a, pour tout mets, qu’une fleur. On arrive ; on débarque ; on va puiser de l’eau, et, sans tarder, mes gens préparent le repas sous le flanc des croiseurs. Quand on a satisfait la soif et l’appétit, j’envoie trois de nos gens reconnaître les lieux, — deux hommes de mon choix, auxquels j’avais adjoint en troisième un héraut. Mais, à peine en chemin, mes envoyés se lient avec des Lotophages qui, loin de méditer le meurtre de nos gens, leur servent du lotos.

Or, sitôt que l’un d’eux goûte à ces fruits de miel, il ne veut plus rentrer ni donner de nouvelles. Je dus les ramener de force, tout en pleurs, et les mettre à la chaîne, allongés sous les bancs, au fond de leurs vaisseaux. Puis je fis rembarquer mes gens restés