Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/126

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Il n’est pas jusqu’à l’ordre des mots qui ne doive d’abord servir au mètre, avant même parfois de respecter la raison : « Il revêtit son manteau et son vêtement de dessous » est sûrement peu rationnel, car on revêt sa chemise avant son pardessus ; mais le mètre exigeait ce « sens dessus-dessous », dont les Commentaires nous donnent vingt exemples.

Une traduction serait inexacte, qui ne rendrait pas sensible aux oreilles d’aujourd’hui cet empire du mètre.

Quelle que soit l’impuissance de nos oreilles les plus érudites à saisir les beautés sonores de l’ancienne prosodie, il n’est pourtant pas un lecteur de l’Odyssée qui ne sente l’agilité, l’harmonie, le port élégant, en même temps que la tenue et la force de cette parole rhythmée. Quand Ulysse débarque en son île, Athéna lui apparaît sous les traits d’un jeune pastoureau qui serait fils de roi. Tout pareil est le vers homérique : sa jeunesse éternelle et son apparente simplicité laissent deviner une longue ascendance et une éducation royale.

Nous ignorons les origines et la vie anté-homérique de cet hexamètre. Mais comment ne pas attribuer quelques siècles de formation, de perfectionnement, d’usage, — je dirai même : d’usure, — à ce vers et à ces périodes de vers, qui juxtaposent en un même épisode