Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/161

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au milieu, douze piédestaux de cuivre portaient chacun une grosse boule de verre, et des lueurs rougeâtres emplissaient confusément ces globes creux, comme d’énormes prunelles qui palpiteraient encore...

Ces admirables phrases de Salammbô ne sonnent aux oreilles de notre grand public que comme un exercice de « littérature » ou un inventaire de « science ». Même pour nos lettrés, ce sont « mots d’auteur », travail de « gens de lettres », que notre génération, un peu lassée des « écritures » trop artistes, n’attend pas de celui qui fut le moins « auteur », le moins « gendelettre » des Poètes. À voir passer dans la traduction de Leconte de Lisle tel épisode de l’Iliade ou de l’Odyssée, tout chargé et panaché d’adjectifs en couronnes et en gerbes, on pense moins à une résurrection qu’à des funérailles...

Homère ne peut revivre parmi nous que si nous le délions d’abord des bandelettes mortuaires, dont l’enserrent depuis la Renaissance les « épithètes homériques ».

Il en restera toujours assez pour s’interposer entre notre entendement et la claire et blonde lumière du texte : trop souvent, le sens vrai de ces mots archaïques nous échappe, comme il échappait déjà aux plus vieux homérisants d’Athènes. Dès le temps de Périclès et de Socrate, on essayait vainement d’expliquer