Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/21

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Il fallait des Iliades et des Odyssées pour ces milliers et milliers de Grecs et de grécisants : toutes proportions gardées, le monde méditerranéen d’alors faisait une consommation d’Homères analogue à celle que peut faire de Bibles aujourd’hui le monde océanique des Anglais et des Anglo-Saxons. Car tous ces Grecs, hommes et femmes, savaient lire désormais : savoir lire et écrire était comme la marque, sinon le monopole, du libre citoyen ; conditions premières de toute carrière profitable ou honorable, la lecture et l’écriture n’étaient pas seulement les deux mamelles du commerce ; elles l’étaient, par surcroît, de toute politique, puisque l’orateur, guide et maître des libres cités, se formait par le « style » (nous disons : la plume) d’abord.

Le monde océanique de nos Anglo-Saxons peut fournir un autre terme de comparaison plus exact et plus instructif encore : nous voyons comment, de Shakespeare, de l’antique dramaturge de la pauvre et petite Angleterre, il a fait le poète universel et souverain, le dieu littéraire de quelque deux cents ou deux cent cinquante millions de lecteurs.

On joue sans doute encore quelques pièces du grand William sur de nombreux théâtres de ces communautés anglo-saxonnes. Mais, pour un auditoire qui apprend à connaître