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unes seulement aux oreilles aussi d’un auditoire. Le poète et le prosateur des temps helléniques, composant pour la récitation à haute voix, ne songeaient au lecteur solitaire que dans la mesure où nos musiciens d’aujourd’hui comptent sur les « lettrés » de leur art pour lire une partition sans la jouer au piano.

Durant des siècles, l’Hellade archaïque eut des milliers d’illettrés contre un ou deux usagers de la lecture et de l’écriture. J’ai dit, dans le premier volume de cette « Résurrection d’Homère » (Au Temps des Héros, p. 61 et suivantes), comment notre alphabet, inventé par les Phéniciens vers les xve ou xvie siècles avant notre ère, avait été importé dans l’Archipel quatre ou cinq cents ans peut-être avant l’âge homérique. Mais il est probable que la pratique de cet art nouveau resta longtemps l’apanage de quelques gens de métier, qui savaient jouer de l’écriture, comme d’autres savaient jouer de la lyre ou de la flûte, ou comme nos compositeurs, imprimeurs et lecteurs de musique savent employer la notation musicale. Chez nous, cette notation, inventée pourtant depuis des siècles, resta longtemps le monopole de quelques spécialistes ; le nombre des usagers était encore, il y a cent ans à peine, dix et vingt fois plus restreint qu’aujourd’hui ;