Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/59

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pas le geste libre ; une cithare brandie ou balancée aurait incité moins aux larmes qu’au rire. Quand ensuite le rhapsode récita et mima, ce fut le sceptre, le bâton à la main : c’est ainsi que nous le représente une peinture de vase, qui nous fournit en même temps notre plus vieux manuscrit épique ; couronné de laurier, le rhapsode est debout, drapé d’un lourd manteau de laine, dont les plis retombants laissent à nu l’épaule et le bras droit ; au bout du bras tendu, la main droite s’appuie sur une haute canne de laurier aux nœuds saillants ; de la bouche, tombent les premiers mots d’un vers écrit dans le plus vieil alphabet :

C’est ainsi qu’autrefois, dans les murs de Tirynthe...

Un calembour facile permit, dès l’antiquité classique, d’expliquer par le bâton, la verge, rhabdos, ce vieux titre de rhapsode, dont on avait perdu le sens et l’origine et qui, étymologiquement, signifierait « recouseur de chants » ; plaisant calembour ! le rhapsode aurait été le « chanteur à la verge », rhabdodos.

Il faut ne pas négliger cette différence matérielle entre le jeu du rhapsode et celui de l’aède ; il y faut ajouter surtout la différence entre les deux publics auxquels l’un et l’autre s’adressaient, l’auditoire princier, aristocratique du second et l’auditoire populaire, plus grossier