Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/126

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proclamant l’admirateur de Bentley[1], Wolf comptait bien ne pas se jeter dans les risques.

On ne saurait reprocher à un professeur titulaire de ne pas avoir le goût du martyre. Mais alors, que l’on ne nous rabatte pas les oreilles de l’audace de Wolf ni, surtout, de cette liberté d’opinion, de recherche, de discussion, dont auraient joui de tout temps les universités d’Allemagne, dont auraient été privées si longtemps la pensée et l’érudition françaises !

« Je vois bien quelle est mon audace à l’égard d’Aristote, de Aristotele quid audeam video », dit fièrement, à la note 89 de la page 122, ce « libre » Allemand qui vient de risquer dans son texte une timide allusion contre les dires du Maître. Wolf a osé dire en effet : « Aristote et les autres auteurs d’Arts poétiques, qui écrivirent longtemps après que les poèmes homériques avaient atteint leur plein développement et leur forme définitives, ont tiré toutes leurs règles de ces seuls poèmes... » Et Wolf, dans sa note, se couvre en toute hâte d’une autorité ou d’un complice : « Je ne suis que dans la même hérésie ou peu s’en faut que professa récemment l’auteur de cet élégant petit livre, Parallelen, p. 14 et suivantes... » En regard de cette audace germanique de 1795, que l’on remette les pages 25-34 du Français de 1664, courbé sous la « tyrannie » de Louis XIV.

On constatera, d’abord, que le latin de Wolf semble, une fois de plus, résumer plusieurs pages des Conjectures (p. 32-33) : « Aristote, dit d’Aubignac, n’ayant entre les mains aucun autre traité de cet art que les siècles eussent laissé venir jusqu’à lui fut obligé de prendre un ouvrage pour en tirer les preuves de ses

  1. Nihil est de quo potius Bentleii judicium cognosse cupiam, et quis non idem cupiat, qui Phalarideae controversiae judicem norit ? dit-il en sa note 84 des Prolégomènes.