Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/127

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règles et les exemples et, n’ayant point d’autre poésie que celle d’Homère, il se persuada qu’il ne pouvoit rien faire de mieux que d’y chercher toutes les lumières dont il avoit besoin ; il en tiroit l’autorité de ses maximes... » ; inde sua praecepta duxerunt, traduit Wolf[1].

Mais on verra aussi comment un abbé du grand siècle, qui se pique « d’être vertueux avec ordre et sage à la mesure des autres », parle du même Aristote (p. 26) : « Les opinions de ce philosophe ne doivent point être reçues comme des vérités infaillibles qui nous ôtent la liberté de la dire... Son nom pourrait faire tomber les armes des mains de ceux qui suivraient aveuglément l’autorité ; mais ceux qui ne veulent déférer qu’à la raison, sans que les exemples fameux ni les grands noms ne les puissent engager contre elle, ne se rendent pas qu’ils ne soient entièrement convaincus... Nous sommes libres... et l’on peut soutenir qu’Homère n’étoit pas un bon poète et que, même, il n’a jamais été, sans se rendre suspect d’être mal affectionné à la couronne ni de mal penser de la religion. » Relisons l’aveu de Wolf à Böttiger : Ich habe meine Meinung so verschleiert dass man gewiss, wenigstens beim Cammergericht in Berlin, mich nicht verklagen kann...

D’Aubignac croyait n’avoir rien à craindre « des orages de la Cour ni des foudres du Vatican ». Wolf vivait « sous la crainte des Édits », et ses amis redoutant peut-être les orages de Berlin et les foudres du Cammergericht, s’enquéraient pour lui d’une chaire à l’étranger.

Il avait dédié son Homère de 1794 à David Ruhnken, « prince des philologues ». Né en Allemagne et sous les lois prussiennes, comme Wolf, Ruhnken (1723-1798) était passé en Hollande et avait trouvé à Leyde une chaire

  1. Prolegomena, p. 122 : scio quam difficile sit Aristotelem et ceteros scriptores artium oblivisci qui multo post quam partes hae firmiter coaluerant, inde sua praecepta duxerunt.