Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gance. » Elegantia est un mot qui revient souvent sous la plume de Wolf et l’on peut dire qu’en ses écrits, la chose surabonde : tels de ses chapitres ressemblent moins à une dissertation qu’à une harangue académique, avec ses développements un peu prolixes et ses balancements un peu trop prévus. « Les Prolégomènes, ajoute A. Pierron, pourraient se définir : cinquante et une lettres critiques à propos du texte d’Homère. Les paragraphes ne sont pas très bien enchaînés les uns aux autres. Chacun d’eux forme un petit tout, presque indépendant et de ce qui précède et de ce qui suit. La pensée va, revient, s’écarte, se répète, se commente, quelquefois même se contredit. Rien n’est plus agréable, en fait de lectures philologiques, que de déguster par-ci par-là, comme font les amateurs, un paragraphe ou deux des Prolégomènes. Rien n’est plus pénible que de se rendre un compte exact de l’ensemble du livre... »

Faute, sans doute, d’être un assez bon amateur de lectures philologiques, j’avoue n’avoir jamais donné dans l’agrément de déguster par-ci par-là un paragraphe ou deux des Prolégomènes. Mais en les lisant et les relisant, j’ai mieux senti chaque fois le ton d’improvisation épistolaire, et l’élégance toute verbale, la clarté tout apparente, la solidité toute superficielle de ce style de conversation. Il est maint passage dont le plus expert de nos latinistes nous donnerait difficilement une traduction certaine et unique : ici, « la vanité du désir » pourrait aussi bien être un « désir de vanité » ; là, c’est le sautillant défilé des énigmatiques qui pote qui, utpote quam ; à parcourir seulement les deux premiers chapitres, on est édifié. Les Allemands ont pu être éblouis par cette élégance et cette prestesse rhétoriciennes[1], dont ni leurs

  1. Cf. Goethe, Annalen. 1820-1821, Werke, Jubilaeumsausgabe, t. XXX, p. 344 et 357.