Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/23

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philologues ni même leurs littérateurs ne les avaient encore régalés. Un Français est plus difficile. Il retrouve — et il s’étonne un peu de retrouver — en un si docte ouvrage les habitudes de nos improvisateurs, orateurs ou épistoliers, leurs grâces un peu faciles et leurs méchancetés sournoises. Il en arrive à se persuader que, dans la pensée primitive de l’auteur, il ne pouvait pas être question d’un exposé de doctrine et de méthode : simple Préface courtoise où Wolf, d’abord, ne tenait qu’à déployer ses galanteries, mais n’avait jamais songé à étaler tout le savoir homérique de son temps, les Prolégomènes grandirent et, comme le héros d’Apulée, se métamorphosèrent en un monstre d’érudition aux appendices énormes. Entraîné par son désir de briller ou contraint par les réclamations de son éditeur, Wolf dut y faire entrer tout ce qu’il put rassembler de ses propres idées et de celles d’autrui ; hâtivement il y versa toutes ses notes, — s’il en avait, — et des pages d’autres livres qui n’étaient pas siennes... Et cette conviction est encore assurée par les renseignements que nous ont laissés les contemporains ou que Wolf lui-même nous donne sur la composition et l’histoire des Prolégomènes.

On ne peut avoir des Prolégomènes qu’une idée fausse, si on les lit comme un ouvrage séparé, mais incomplet, dont il manquerait seulement le second volume. Même en deux, même en trois volumes, les Prolégomènes achevés ne seraient encore que l’une des trois ailes d’un grand palais homérique, dont Wolf[1] faisait l’annonce

  1. Kleine Schriften. I, p. 198-199 : nam illud mihi inde ab adolescentia in votis fuerat ut Homerum accurate religioseque emendarem ad criticas leges eique deinde commentarios adderem qui et tralaticii textus obscuram historiam et mutati sive emendati causas persequerentur... ; primum jam gradum feci absoluta recensione Iliados ; brevi subsequetur Odyssea cum Batrachomyomachia, Hymnis ceterisque reliquiis Homeridarum, quas nonnulli veterum ex vulgari fama Homero tribuunt ; haec quattuor erunt volumina, commoda assidenti neque inambulanti molesta ; quae simul perfecero, statim notationes grammaticorum et variantes lectiones cum observationibus meis digeram in singularia aliquot volumina, ejusdem quidem moduli, sed quae disjuncta a descriptione textus emptores sibi suos seorsum quaerant ; plurimis tamen et gravissimis quaestionibus satisfieri non poterit, nisi copiosius scribatur historia homericorum Carminum ; qua in re sic versari in anima habeo ut alte omnia et a capite repetam, id est a primordiis Graecae poeseos et, quoad vel certa fide rerum vel probabili conjectura progredi licebit, horum monumentorum nativam formam et ascitam modificationem particulatim illustrem variamque fortunam scripturae, emendationis et interpretationis eorum ad nostra usque tempora deducam.