Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/59

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L’Avis au Lecteur nous dit : « L’auteur, que l’on ne trouve pas à propos de nommer, étoit un homme savant, de grande littérature et d’une profonde pénétration. Il est vrai que son style paroîtra peu châtié ; mais il est excusable sur ce qu’il n’avoit point revu son ouvrage avant sa mort, arrivée il y a déjà quelques années... ; le manuscrit, trouvé par hazard parmi plusieurs vieux papiers, étoit si défectueux et si délabré qu’il n’a pas été aisé d’en tirer tout ce que l’on auroit bien souhaité... »

Cette histoire de manuscrit retrouvé et d’auteur défunt a l’air d’un conte. L’histoire vraie est plus invraisemblable encore. A peine les Conjectures avaient-elles paru que l’abbé Boscheron, dans les Nouvelles littéraires du 2 novembre 1715, accusait de larcin l’éditeur, l’abbé Brice, et s’offrait d’apprendre au public comment les Conjectures étaient venues en sa possession :

« M. Charpentier étant mort en 1702, un de ses neveux s’empara d’une bonne partie de ses manuscrits... Je le priai plusieurs fois de m’en accommoder pour une somme d’argent que je lui avois prêtée : il me refusa. [Mais] un jour que je fus chez lui, je le trouvai auprès d’un grand feu, avec un de ses amis, tous deux assis, ayant chacun à leur côté un grand sac rempli de manuscrits et de lettres des savans les plus illustres, écrites à M. Charpentier... Ces deux hommes, que le vin avoit mis dans un état à ne pouvoir pas se lever de leur siège, n’avoient que la force de lever le bras pour fouiller chacun dans leur sac et, à tour de rôle, prendre des poignées de papier qu’ils jetoient au feu. J’arrivai justement dans le temps que nos braves s’excitoient tous les deux à qui iroit le plus vite dans cette belle expédition ; ils disoient en bégayant: « Allons ! encore une petite pincée de ces beaux esprits ! »

« La petite pincée était une poignée de lettres... Je