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qui subsiste encore, « à la mémoire du Prince des philologues ». Puis la gloire de Wolf avait été trompettée à notre peuple par l’Histoire des Poésies homériques (1831) du fougueux Dugas-Montbel. Mais rien ne l’avait autant servie qu’une autre étude, publiée par C. Galuski dans la Revue des Deux Mondes, quelque vingt ans après l’étude de Viguier : on n’écrit jamais l’histoire des Prolégomènes sans renvoyer à cet article du Ier mars 1848[1].

C’est de là que le nom de Wolf était passé dans nos manuels scolaires, dans la conversation des gens du monde et de tout le monde. Par le consentement des savants et des ignorants, Wolf était devenu pour nous l’Hercule qui, perçant de part en part les ténèbres de la montagne homérique, avait frayé la route, ouvert le tunnel, si l’on peut dire, aux convois d’innombrables philologues qui, de notre Europe du xixe siècle, étaient partis reconquérir à la science le vaporeux pays des chanteurs ioniens. Aujourd’hui encore, nos érudits rivalisent avec l’Allemagne en leur admiration pour ce demi-dieu.

Le Manuel de Philologie de M. Salomon Reinach a été le livre de chevet, durant deux et trois générations déjà, de nos maîtres et de nos étudiants. On ne saurait accuser l’auteur d’un excès de révérence à l’égard des idées reçues. M. Salomon Reinach proclame néanmoins la gloire de Wolf et la grandeur des Prolégomènes : « C’est le manifeste de l’athéisme homérique », disait-il à la page 13 de son Manuel. Ainsi passe la gloire de

  1. Cf. Dugas-Montbel, Histoire des Poèmes homériques, 1831, p. 5 et 143 : « Wolf, fondateur et véritable chef de l’école historique,... auteur d’une véritable révolution philologique en Allemagne » ; C. Galuski, Revue des Deux Mondes, 1848, I, p. 877 : « Wolf a rompu avec toutes les opinions prises à crédit, comme dit Montaigne ; [tel] Descartes, il est parti du doute, pour faire appel à cette critique indépendante qui est la raison appliquée aux faits du passé ».