Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/63

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prouver la chose invinciblement. On nous assure d’ailleurs qu’on travaille là-dessus en Allemagne où ces mémoires ont peut-être passé[1]. » Déjà, en ses Jugemens des Savants, à l’article Homère, A. Baillet écrivait en 1685 : « J’ai ouï dire à un homme des pays étrangers qu’on travaille en Allemagne à faire voir qu’il n’y a jamais eu d’Homère et que les poèmes qui portent son nom ne sont que des rhapsodies ou des compilations que les critiques ont composées de diverses pièces de vers ou de chansons détachées, auxquelles on a donné la liaison et la suite que nous voyons aujourd’hui[2]. »

Les « mémoires » de d’Aubignac n’étaient point passés en pays étrangers : Charpentier les avait mis en sac. Une copie néanmoins n’avait-elle pas franchi la frontière ?.. Nous avons pu voir que, dans le fond de l’Allemagne, à Francfort-sur-l’Oder, L. Küster, en 1696, citait Perraltium et Bolaeum en son Historia critica Homeri : il devait connaître les idées de d’Aubignac. Grâce à Boileau, il n’en avait sans doute qu’une idée peu avantageuse. Car, en sa troisième Réflexion sur Longin, Boileau, sans rien savoir des Conjectures académiques, en avait nié l’existence et, pour en finir avec elles, il avait ajouté que, d’ailleurs, d’Aubignac était fou et ignorait le grec : « J’ai connu M. l’abbé d’Aubignac ; il étoit homme de beaucoup de mérite et fort habile en matière de poétique, bien qu’il sût médiocrement le grec. Je suis sûr qu’il n’a jamais conçu un si étrange dessein, à moins qu’il ne l’ait conçu dans les dernières années de sa vie, où l’on sait qu’il étoit tombé en une espèce d’enfance. »

Ce sont là façons de discuter à la française, dont nous ne sommes pas souvent les dupes en France, mais

  1. Ch. Perrault, Parallèle des Anciens et Modernes, vol. III, p. 32-36.
  2. Édition La Monnoie, III, p. 364.