Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/64

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dont nous sommes toujours les victimes à l’étranger. Au xviie siècle, où l’on déduisait toutes choses des principes et des règles[1], où la raison et le raisonnement faisaient la valeur des écrivains et de leurs ouvrages, on disait d’un adversaire, que l’on ne pouvait pas réfuter : « Ce n’est pas raisonnable : c’est fou. » Aujourd’hui, nos colporteurs d’érudition allemande affectent de n’estimer que la méthode et l’information « scientifiques » et crient à tout propos : « Ce n’est pas de la science : c’est nul. » Hier encore, pour donner plus de poids à cette excommunication, certains de nos oracles la proféraient en allemand : unwissenschaftlich était l’épithète usuelle pour écraser un écrivain, dont on repoussait ou même dont on ignorait l’opinion. Si nos excommuniés, chez nous, ne s’en portaient pas plus mal, au dehors il n’en était pas de même : rien n’a contribué à déconsidérer la science et les savants français dans le monde autant que cette façon de se traiter les uns les autres.

D’Aubignac a porté jusqu’à nous l’imputation de Boileau. Quand La Monnoie fit en 1722 sa réédition des Jugemens d’Adrien Baillet, il ajouta en note à la page 364 du troisième volume : « Despréaux, dans sa troisième Réflexion sur Longin, avait peine à croire que les mémoires sur Homère de l’abbé d’Aubignac existassent. Ils existent cependant ; du moins ils existaient en 1713,

  1. Cf. Journal littéraire de 1715, p. 216, à propos de la Dissertation critique sur l’Iliade de l’abbé Terrasson : « Ceux qui sont persuadés que le principe du beau est dans la raison même regarderont indubitablement cet ouvrage comme la dernière pièce dans le procès que l’on a intenté depuis peu au divin Homère... Le but de M. l’abbé Terrasson n’est que du faire passer jusqu’aux belles-lettres cet esprit de philosophie qui, depuis un siècle, a fait faire tant de progrès aux sciences naturelles. Par philosophie, il entend une supériorité de raison qui nous fait rapporter chaque chose à ses principes propres et naturels, indépendamment de l’opinion qu’en ont eue les autres hommes. »