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il ne faut qu’examiner l’Iliade par le dessein, par la conduite et par toutes les parties qui la composent. »

D’Aubignac laisse de côté l’Odyssée, pensant que l’Iliade suffit ; il contredit seulement Longin, dont l’opinion pourrait faire croire que les arguments tirés de l’Iliade ne sont pas valables pour l’Odyssée. Il a donc « résolu de ne point entrer dans la discussion particulière de l’Odyssée » (p. 344) ; mais il ne doit pas l’abandonner entièrement « parce qu’elle sert à l’éclaircissement de ses conjectures » ; il lui accorde six pages, après en avoir consacré 220 à l’Iliade.

Cette étude de l’Iliade est faite à la mode du xviie siècle : purement littéraire, comme nous disons aujourd’hui, sans rien de philologique, elle ne considère que l’ouvrage en tant que composition ; elle ne traite pas du texte en tant que langue et grammaire. Ce qui intéresse avant tout d’Aubignac, c’est « la fabrique de ce grand ouvrage », comparée à « l’art du poème épique » et aux règles qu’on en a données depuis Aristote. D’Aubignac veut montrer que cette « fabrique » n’a rien de commun avec ces règles : l’Iliade n’a jamais été un « poème régulier » comme l’Énéide ; en elle, tout est fautes et défauts, si on veut la mettre sous la toise d’Aristote ; en elle, tout s’explique, se justifie et devient acceptable et même nécessaire, si l’on en prend une idée vraiment historique, si on se la représente comme un assemblage de chants séparés (p. 352).

D’Aubignac, passant en revue toutes les faiblesses de l’Iliade, signale les manquements aux règles, à la logique et au bon goût qui y abondent. Cette revue avait été faite avant lui ; elle l’a été surtout après lui ; dans les dialogues de Perrault, dans les ouvrages de l’abbé Terrasson, de La Motte et d’autres critiques de notre xviiie siècle, on pourrait la retrouver, et parfois plus complète, mais jamais aussi alerte, aussi familièrement