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Page:Bérenger - La France intellectuelle, 1899.djvu/245

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M. ÉDOUARD SCHURÉ

Émouvant acte de foi, que tant d’Alsaciens-Lorrains répètent encore après vingt-huit années d’oppression.

Mais son patriotisme anti-prussien ne le fit pas renoncer à sa mission intellectuelle, qui était de réaliser une synthèse entre l’esprit germanique et l’esprit latin. Déjà, dans l’Histoire du Lied, publiée en 1868, Édouard Schuré avait montré quel parti la poésie lyrique allemande (Gœthe, Schiller, Heine) tirait des chansons et des mélodies populaires. Il avait indiqué à la poésie française ces routes régénératrices où vingt-cinq ans plus tard Gabriel Vicaire, Maurice Bouchor, Anatole Le Braz, Charles Le Goffic devaient s’avancer avec tant d’éclat et d’originalité.

Mais un dessein plus haut et plus large le hantait dès 1869 ; il le reprit après la guerre. Schuré voulait montrer qu’au-dessus des arts particuliers et spécialisés de l’époque moderne, il y a eu autrefois, il y a encore, il y aura toujours un « art humain universel » dont la poésie, la musique, la danse sont les trois harmoniques indissolubles, et qui trouve son expression dans le théâtre sous la forme du Drame musical. Écrire l’histoire de ce Drame musical à travers les siècles, depuis la Grèce antique jusqu’à l’Europe contemporaine, tel fut le projet d’Édouard Schuré.

Pour le mener à bien, il voulut voir cette Terre de Beauté où la poésie et la musique modernes ont leurs plus complexes racines. En 1872, il partit pour l’Italie. Il y séjourna, particulièrement à Florence, jusqu’en 1874. C’est là qu’il rencontra la femme extraordinaire dont la beauté, le talent, l’enthousiasme, excitèrent, exaltèrent en lui les énergies les plus nobles. Margherita-Albana Mignati gardera dans l’œuvre d’Édouard