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Il faisait certainement allusion à la polychésie, dont ses compatriotes lui imposaient la constatation si fréquente, lorsqu’il prononçait ces paroles, pieusement recueillies par ses disciples, réunis pour l’écouter : « Et je m’étonne que les hommes n’aient depuis longtemps couvert de fiente le monde jusqu’au ciel ! »[1].

Le docteur Luther ne songea jamais à dissimuler la satisfaction qu’il retirait d’une digestion agréable. Il l’exprimait lorsqu’il racontait à ses élèves l’anecdote suivante : « Un gentilhomme, dit-il, ayant été interrogé par sa femme sur la vivacité de l’attachement qu’il avait pour elle, lui répondit : « Je t’aime autant qu’une bonne décharge de ventre. » Elle fut courroucée de cette réponse ; mais le lendemain, il la fit monter à cheval, et l’y retint toute la journée sans qu’elle pût satisfaire à ses besoins ; alors elle lui dit : « Oh ! seigneur, je sais maintenant à quel point tu m’aimes ; je te conjure de t’en tenir là dans l’attachement que tu me portes. »

Il ne fait donc pas s’étonner que dans ses Propos de table[2], un des livres dont le succès fut le plus considérable en Allemagne, il revienne avec complaisance sur le même sujet, comme lorsqu’il s’écrie : « Perinde facere, qui continenter vivere instituant, ac si quis excrementa vel lotium contra naturæ impetum retinere velit ». « Ordonner de vivre dans la continence, c’est prescrire de retenir les excréments et les évacuations qu’inspire la nature. »

L’intérêt qui, pour Luther, réside dans les éliminations digestives, se trouve encore dans les paroles suivantes qu’il exprimait un jour où il souffrait de la dysenterie : « Ah ! bon Dieu ! quel bonheur que d’avoir un corps sain et robuste, qui puisse manger, boire, dormir et rendre l’urine ! ».

Dans sa correspondance, il lui arrive fréquemment de revenir sur ce thème de prédilection. En 1522, lors de son séjour au château de la Wartbourg, il écrit à son ami Mélanchton : « Le Seigneur m’a frappé d’une grande douleur au derrière ; mes selles sont tellement dures que je dois faire des efforts très douloureux, au point que la sueur m’en coule ; hier je suis allé à la selle après quatre jours ; aussi n’ai-je pas dormi de la nuit. »

En 1528, à l’âge de 45 ans, dans une lettre à Julius Jonas nous retrouvons la même idée exprimée encore avec plus de force :

« L’acte de la défécation m’était devenu un plaisir qu’aug-

  1. La polychésie et la bromidrose de la race allemande avaient tellement frappé Luther qu’il ne peut s’empêcher de l’exprimer ironiquement lorsqu’il admire « comment Dieu a formé cette chair d’où il sort tant de fiente, de sueur et de puanteur. »
  2. Les Propos de table de Martin Luther, trad. G. Brunet, 1844, passim.