Wozzeck. — Monsieur le capitaine, je suis un pauvre hère ! C’est tout ce que je suis en ce monde ! Monsieur le capitaine, si vous plaisantez —
Le capitaine. — Plaisanter ? Que le diable t’emporte ! Plaisanter ? Drôle —
Le docteur. — Ton pouls, Wozzeck ! Petit, dur sautillant.
Wozzeck. — Monsieur le capitaine ! La terre pour beaucoup brûle comme l’enfer — l’enfer est froid en comparaison.
Le capitaine. — Drôle ! veux-tu te faire sauter la cervelle ? Tu me piques avec tes yeux ! Je te veux du bien, parce que tu es un brave garçon, Wozzeck, un brave garçon !
Le docteur. — Les muscles de la face fixes, tendus, les yeux hagards. Hum !
Wozzeck. — Je m’en vais — bien des choses sont possibles ! L’homme — bien des choses sont possibles ! Oui ou non ? Dieu du ciel ! On pourrait avoir envie de planter un clou et de s’y pendre. On saurait alors où l’on en est ! Oui ou non ? (Il sort rapidement.)
Le docteur. — C’est un phénomène, ce Wozzeck !
Le capitaine. — Cet homme me donne vraiment le vertige ! Comme le long drôle court et son ombre derrière lui ! Et si désespéré ! Je n’aime pas cela ! Un brave homme est reconnaissant envers Dieu. Un brave homme aussi n’a pas de courage. Un coquin seul a du courage ! Moi aussi je suis parfois mélancolique ; j’ai dans ma nature quelque chose de rêveur, je ne puis m’empêcher de pleurer si je vois pendre mon habit à la muraille. Mais l’homme est fait pour honorer son créateur et s’affermir dans l’amour de la vie. Un coquin seul a du courage ! Un coquin seul !