Marie. — Bonjour, Franz.
Wozzeck (la regarde fixement et secoue la tête). — Hum ! je ne vois rien ! Oh ! on le verrait, on le saisirait avec les poings !
Marie. — Qu’as-tu, Franz ?
Wozzeck (comme précédemment). — Est-ce encore toi, Marie ? — Un péché, si épais et si large — cela devrait puer, au point de chasser du ciel les anges. Mais tu as la bouche rose, Marie ! la bouche rose — je n’y vois aucune ampoule !
Marie. — Tu as le délire, Franz, j’ai peur…
Wozzeck. — Tu es belle — « comme le péché ». Mais le péché mortel peut-il être si beau, Marie ? (Bondissant) Ici ! — A-t-il été ici, dis, dis ?
Marie. — Je ne puis interdire la rue aux gens…
Wozzeck. — Par le diable, a-t-il été ici ?
Marie. — Le jour étant long et le monde étant vieux, beaucoup d’hommes peuvent se tenir à une place l’un après l’autre.
Wozzeck. — Je l’ai vu !
Marie. — On peut voir beaucoup de choses quand on a deux yeux, qu’on n’est pas aveugle, et que le soleil luit.
Wozzeck. — Toi avec lui !
Marie (hardiment). — Et quand bien même !
Wozzeck (s’avance vers elle). — Misérable !
Marie. — Ne me touche pas ! Plutôt un couteau dans le corps qu’une main sur moi ! Mon père ne l’a pas osé, quand j’eus dix ans…