Wozzeck (la regarde fixement et laisse tomber lentement sa main). — Plutôt un couteau ! (Après une pause, chuchotant timidement) : L’homme est un abîme, on a le vertige quand on y regarde… La tête me tourne…
Le tambour-major. — Je suis un homme ! (Il se frappe la poitrine.) Un homme, dis-je. Qui veut s’en prendre à moi ? Celui qui n’est pas un Dieu en ribote, celui-là, je… Je lui enfoncerai le nez dans le derrière. Je veux — (à Wozzeck). Tiens, drôle, bois — je voudrais que le monde fût du schnaps, du schnaps, il faut que l’homme boive — tiens, drôle, bois !
Wozzeck (se détourne et siffle).
Le tambour-major. — Drôle ! dois-je te tirer la langue du gosier et t’en enrouler le corps ? (Ils luttent. Wozzeck a le dessous). Dois-je te laisser encore autant de souffle qu’en contient le vent d’une vieille femme ? Dois-je —
Wozzeck (tombe épuisé sur un banc).
Le tambour-major. — Maintenant le drôle doit siffler, il doit siffler au point d’en devenir bleu foncé ! Hé ! de l’eau-de-vie, c’est ma vie ! De l’eau-de-vie, ça donne du courage !
Un assistant. — Celui-ci a son affaire !
Andrès. — Il saigne.
Wozzeck. — L’un après l’autre !