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WOZZECK

Wozzeck. — Tu dois rester là, Marie, Viens, assieds-toi.

Marie. — Mais il faut que j’avance.

Wozzeck. — Viens. (Ils s’asseyent.) Tu as fait une longue course, Marie. Il ne faut plus que tu te blesses les pieds à force de courir. Il fait tranquille ici. Et si sombre ! — Sais-tu encore, Marie, combien il y a maintenant de temps que nous nous connaissons ?

Marie. — A la Pentecôte il y aura trois ans.

Wozzeck. — Et combien crois-tu que cela durera encore ?

Marie (bondit). — Il faut que j’avance.

Wozzeck. — As-tu peur, Marie ? Tu es pourtant pieuse ! (Il rit.) Et bonne ! Et fidèle ! (Il la repousse sur son siège.) As-tu peur ? — Quelles douces lèvres tu as, Marie ! (Il l’embrasse.) Je donnerais le ciel et la béatitude éternelle pour pouvoir souvent t’embrasser ainsi. Mais je n’ose pas ! — Pourquoi trembles-tu ?

Marie. — La rosée du soir tombe.

Wozzeck (chuchote à part). — Celui qui est refroidi n’a plus froid ! A la rosée du matin tu n’auras plus froid. — Mais moi ! Ah ! cela doit être !

Marie. — Que dis-tu là ?

Wozzeck. — Rien. (Long silence.)

Marie. — Comme la lune se lève avec une lueur roue !

Wozzeck. — Elle ressemble à un fer ensanglanté. (Il tire un couteau.)

Marie. — Pourquoi trembles-tu ainsi ? (Elle bondit.) Que veux-tu ?

Wozzeck. — Je ne veux rien, Marie ! ni aucun autre non plus ! (Il lui enfonce son couteau dans la gorge.)

Marie. — Au secours ! au secours ! (Elle s’affaisse.)

Wozzeck. — Morte ! (Il se penche sur elle.) Morte ! Meurtrier ! Meurtrier ! (Il s’enfuit.)