Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/326

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préhensibles. Je ne connais que deux tableaux, et de peintres des Pays-Bas, qui m’ont fait l’impression du Nouveau Testament. L’un, je ne sais de qui, représente le Christ et les pèlerins d’Emmaüs ; dans le récit de leur sortie la nature entière nous apparaît en quelques mots. C’est par une soirée noire et crépusculaire ; une ligne rouge uniforme raie l’horizon ; la rue est à demi dans l’obscurité. Alors un inconnu vient à eux. Ils parlent, il rompt le pain, ils le reconnaissent à sa façon simple et humaine, et les traits divins empreints de souffrance leur parlent distinctement ; ils s’effraient, car la nuit est venue ; quelque chose d’incompréhensible s’approche d’eux, mais ce n’est pas une horreur spectrale, c’est comme l’apparition dans le crépuscule d’un mort chéri qui n’a pas changé d’aspect. Tel est ce tableau, dont le ton uniforme et brun nous rend cette soirée sombre et tranquille. Voici le second. Une femme est assise dans sa chambre, son livre de messe à la main. Elle l’a parée comme pour un jour de fête ; le sable parsème le sol, l’intérieur est propre et chaud. La femme n’a pu aller à l’église et elle dit ses prières chez elle. La fenêtre est ouverte, sa figure est tournée de ce côté ; le son des cloches qui arrive du village jusqu’à sa fenêtre semble flotter sur la vaste plaine, le chant qui sort de l’église paroissiale expire, et la femme le suit dans son livre ».

Lenz continua sur ce ton. On le suivait attenti-