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le luxe

Cette réserve faite pour acquit de conscience, répétons que le personnel, employé à satisfaire les besoins des oisifs, est une armée entretenue gratis par les citoyens qui travaillent. Or, le prolétariat tout entier est enrôlé de force dans cette armée par la conscription du capital, et y fournit un temps de service plus ou moins long, suivant les industries. Pendant cette période, chaque homme de corvée est une charge publique, absolument comme le soldat sous le drapeau.

Toutefois le mécanisme de cet esclavage n’a point le sans-façon brutal de la servitude militaire. Loin de là, il est d’un raffinement presque impénétrable. La chaîne pèse, l’attache en est invisible. Essayons de la mettre à nu.

Qu’on suppose cent mille hommes, puisant toute la journée de l’eau dans la Seine, au pont de Grenelle, pour l’aller reverser au pont de Bercy. Certes là besogne serait rude et le salaire bien gagné. Mais, comme une pareille besogne est complètement improductive, et ne met pas la valeur d’un fétu dans la circulation, les cent mille manœuvres, condamnés à ce supplice des Danaïdes, resteraient aux crochets des travailleurs sérieux.

Tel est précisément le cas de toute occupation consacrée aux oisifs. Le travail qui ne s’échange point contre le prix d’un travail équivalent, mais contre des écus provenant de l’intérêt du capital,