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le luxe

catastrophes plus brusques encore ? Tantôt une reine, tantôt une prostituée, arbitres de la mode, Séparées par un abîme devant l’opinion, égales devant la toilette et l’économie sociale, elles tiennent, à tour de rôle, le sceptre de cette royauté fantasque qui dispose d’un budget supérieur à celui de l’État.

Quand cette odieuse poupée passe rapide dans un huit ou quinze ressorts, avec son maquillage, ses faux cheveux, sa boutique de bijouterie, ses fanfreluches criardes, on prendrait les femmes en exécration. Mais retournez-vous : cette pauvre mère, aux yeux éteints, hâve, émaciée, flétrie, avec ses petits enfants pales et décharnés qui se pressent contre ses haillons, vous serre le cœur et vous ramène au sentiment de la vérité. En somme, c’est la femme qui est victime. Jamais l’homme le plus infortuné n’a souffert, ne souffrira la moitié de cette douleur.

C’est pour les cocottes et leurs bacchanales que les ateliers s’escriment et suent. Trop heureuse la pauvre mère, si un travail acharné lui pêche quelques centimes dans les millions consacrés à la haute luxure.

Grand événement ! les belles dames éprouvent un jour le besoin de se renfler le derrière. Vite, par milliers, des fabriques de tournures ! Tout est en effervescence dans les ruches du travail. On ne sait où donner de la tête. Oh ! les affaires marchent !