Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/168

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De mesurer les vers en la langue Francoyse
À l’antique façon et Romaine et Gregeoise.
Là je te payeray quelquefois mon devoir :
Cependant vien icy l’avance recevoir
En ces vers usitez, où du Grec Theocrite
D’un malheureux amour l’histoire j’ay transcrite.
Que ta Maitresse un jour par ébat y lisant
Creignant l’Amour vangeur l’alât favorisant.

Dames, oyez un comte lamentable
D’un pauvre amant et d’une impitoyable,
Qui, pour n’avoir voulu le secourir,
Sentit combien on doit creindre encourir
L’ire des Dieux, en se monstrant cruelles
Contre la foy des serviteurs fidelles.
De cet exemple, ô Dames, apprenez
De faire grace à ceux que vous gennez :
Et n’irritez la divine vengeance,
Qui de bien pres accompagne l’offence :
Si vous savez quelcune de bon cœur
Apprenez d’elle à fuir la rigueur :
Si d’autre part vous en sçavez quelcune,
Qui contre Amour s’emplisse de rancune,
Remonstrez luy et la faites changer,
Luy racontant cet exemple estranger.
À fin qu’à voir cette avanture grande
Chacune ait peur de forfaire, et s’amende,
« M’en sçachant gré : Bienheureux est celuy
« Qui se fait sage à la perte d’autruy.

Au tems iadis en un païs de Grece,
Un jeune amant servit une maistresse
Bien accomplie en parfaitte beauté,
Mais endurcie en toute cruauté :
De son amant elle estoit ennemie,
Et n’avoit rien de douce courtoisie.
Ne cognoissant Amour, quel Dieu c’estoit,
Quel estoit l’arc, qu’en ses mains il portoit,
Ny comme grief par les fleches qu’il tire
Aux cœurs humains il donne grand martyre :