Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/170

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Je suis venu devers toy pour te faire
Le dernier don d’un cordeau, dont j’espere
Plus de confort que de toy : car l’ennuy
Que j’ay par toy se guerira par luy.
Je ne veu plus doresenavant estre
Tant importun, parlant à ta fenestre :
Mais je m’en vas où tu m’as condamné,
Au lieu d’exil, que tu m’as ordonné,
Par le sentier qu’on dit qui achemine,
Là où se prend la seule medecine,
Qui reste plus aux amans langoureux,
Dedans le lac de l’oubly bienheureux.
Mais, las, j’ay peur (tant d’une amour extrême
Je brusle tout) que, bien qu’estant à mesme
J’eusse en boivant tout ce lac épuisé,
Mon chaud desir n’en sait point apaisé.
Je va mourir : par la mort desiree
Ma bouche ira bien-tost estre serree :
Mais cependant qu’encor je puis parler,
Je te diray devant que m’en aller.
La Rose est belle, et soudain elle passe :
Le Lis est blanc, et dure peu d’espace :
La Violette est bien belle au Printems,
Et se vieillist en un petit de tems :
La neige est blanche, et d’une douce pluye
En un moment s’écoule evanouie :
Et ta beauté belle parfaittement
Ne pourra pas te durer longuement.
Le tems viendra, (si le destin te laisse
Jouir un tems de ta belle jeunesse),
Le tems viendra qu’aprement à ton tour,
Tu languiras comme moy, de l’amour.
Je va mourir, et de ma mort cruelle
Tu n’entendras par autre la nouvelle :
Mort à ton huis icy tu me verras,
Et sur moy mort tes yeux tu souleras.
Puis qu’en vivant je n’ay pu si bien faire,
Qu’en un seul point je t’aye pu complaire :