Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/171

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Quelque plaisir, je croy, je te feray
Quand pour t’aimer tué je me seray.
Au moins au moins, si mon trespas t’apporte
Quelque plaisir, si en ouvrant ta porte,
Pour ton amour si tu m’avises mort,
Que j’ay de toy ce dernier reconfort.
De ce cordeau, dont tu me verras pendre,
Deslié moy : aïde à me descendre.
Au moins des yeux répan moy quelque pleur :
Quelque souspir tire moy de ton cœur.
Si ta rigueur se peut faire tant molle
Pers à moy sourd quelque douce parolle :
Et donne moy pour ton dueil appaiser,
Et le premier et le dernier baiser :
Non, ne crain point qu’il me rende la vie,
Ne laisse pas d’en passer ton enuie,
Et si tu as de moy quelque soucy,
Sur mon tombeau fays écrire cecy :

Amour tua celuy qui se repose
Icy dessous : une belle en fut cause,
Demesuree en grande cruauté,
Comme l’amant le fut en loyauté.
Quand il eut dit, une pierre il ameine
Au sueil de l’huis, et la dresse à grand’peine :
Monta dessus, et la corde attacha
À un crampon, que bien haut il ficha :
D’un neu coulant son gosier il enserre,
Puis de ses piés il rejette la pierre :
Et se debat demeurant là pendu,
Tant qu’à la fin l’esprit il a rendu.
Au bruit qu’il fit frappant contre la porte,
Comme la mort à sa jeunesse forte
Se debattoit, un servant qui sortit
Vit ce mechef, et la dame avertit.
Qui venant là sans estre en rien émue,
Eut bien le cœur de repaistre sa vue
Du pauvre cors, qui pour elle estoit mort,
Et ne monstroit en avoir nul remord :