Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/311

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Des vieux Gregeois, qu’aux modernes façons.
Telle qu’elle est, puis que l’as demandee,
Te vienne à gré cette ardente Medee,
Qui se va pleindre en ce vers rechanté
Apres le chant qu’Ovide en a chanté.

Jazon déja dans le palais d’Aëte
Du Mouton d’or la demande avoit faitte,
Et le labeur luy estoit commandé
Pour conquerir le joyau demandé.
Du Roy Colchois en ce pendant l’infante
Couvoit au cœur une ardeur violante :
Apres avoir ores bien debatu
Pour son desir, ores pour la vertu,
Quand elle voit qu’avecques la sagesse
De la fureur ne peut estre maitresse,
Medee dit, Tu debas vainement,
Ne sçay quel Dieu te donne empeschement :
Je m’emerveille, helas ! que ce peut estre :
Je sen le mal, et ne le puis conoistre :
Seroit-ce point ce qu’on appelle Aimer ?
Car doù me vient que j’entrepren blasmer
Du Roy mon pere, ainsi que trop cruelle
La volonté ? vraiment aussi est-elle
Par trop cruelle : et comment puis-je avoir
Crainte pour un qu’ores je vien de voir
Le premier coup ? et si crain qu’il ne meure ?
Qui peut causer si grand’ crainte sur l’heure ?
Chasse, Medee, hors de ton chaste cœur
Le feu conçu : racle ceste fureur,
(Si tu le peux) de ton lasche courage.
Si je pouvoy, je seroy bien plus sage,
Mais je me sen d’un violent émoy
Toute enlever et tirer maugré moy.
Amour de l’un, la raison me conseille
Soudain de l’autre, ô peine non-pareille !
J’aprouve et voy ce qui est pour le mieux,
Je suy le pis : ô desir vicieux !
Pourquoy bruslant, pauvre fille Royale,