Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/312

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Vas-tu donner ton amour desloyale
À l’étranger ? Comment desires-tu
D’un autre monde un mary non connu ?
Tu trouveras en ce pais où mettre
Ton amitié : les Dieux peuvent permettre
Qu’il vive ou meure : Il vive toutesfois !
Le souhaitter je le puis et le dois,
Sans que mon cœur son amour en luy mette :
Et quelle faute a jamais Jazon faite ?
Qui, s’il n’estoit trop cruel sans raison,
N’attendriroit pour l’âge de Jazon,
Pour sa noblesse et sa vertu ? le reste
N’y estant point, qui sa beauté celeste
N’émouveroit ? Certes elle a pouvoir
Dans l’estomac de mon cœur émouvoir.
Mais si je faux de luy prester mon ayde,
Je le verray mourir sans nul remede :
Ou des Taureaux le feu l’enflamera :
Ou la moisson cruelle le tu’ra
Par l’ennemy engendré de la terre,
Jettant sur luy tout le flot de la guerre :
Ou bien sera fait le repas piteux
Du goulu ventre au dragon impiteux.
Si devant moy ce massacre j’endure,
Faut confesser qu’en ma poitrine dure
Je porte un cœur de rocher et d’acier,
Et que je suis fille d’un Tigre fier.
Pourquoy mourir donc ne le regardé-je ?
Pourquoy mes yeux de sa mort ne soulé-je ?
Et que ne vâ-je eguillonner les bœufs
À renflammer encontre luy leurs feux ?
Et que ne vâ-je encourager l’armee
Des fiers geans contre luy animee ?
Et que ne vâ-je enhorter le dragon
Tousjours veillant, pour devorer Jazon ?
Que Dieu luy doint bien meilleure aventure !
Ce n’est pas tout d’une volonté pure
Luy souhaitter du bien : mais or endroit