Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/315

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Déja l’ardeur plus ne se decouvroit,
Ains au dedans sous la honteuse crainte
Estoit cachee et comme toute éteinte.
Mais aussi tost que Jazon elle vit,
La flamme morte incontinent revit :
Une rougeur ses deux joues va prendre,
Et par sa face un grand feu se repandre,
Et comme on voit par le souffle du vent
Une bluette assoupie davant
Dessous la cendre au dessus étendue,
Se rallumer par la paille épendue,
Et s’augmenter prenant nourrissement
Et se remettre, à force du tourment,
En moins de rien, en sa vigueur premiere :
Ainsi l’Amour qui t’eust semblé n’aguiere
Déja languir, déja tout adoucy,
Voyant Jazon, par un ardent soucy
De sa beauté qu’elle voit en presence,
Plus violent que devant recommence :
Et de hazart ce jour le jouvenceau
Se montroit plus que de coustume, beau :
Si qu’aisément l’affection renée
Pour sa beauté, luy eusses pardonnee.
Le regardant, comme s’elle venoit
Lors de le voir premierement, tenoit
Ses yeux fichez tousjours en son visage,
Ne pensant voir (la pauvrette mal-sage)
Face mortelle : et tant luy plaist à voir,
Ne peut de luy son regard demouvoir.
Incontinent que l’etranger commance
D’ouvrir la bouche, et tout privé s’avance
Jusqu’à la prendre et tenir par la main,
Et la requiert que d’un courage humain
(Parlant tout bas) au besoin le sequeure,
Et luy promet mariage : sur l’heure
Medee dit, respandant larmes d’yeux :
Je voy mon fait : l’ignorance de mieux
Ne me seduit, c’est Amour qui me meine,