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lence à l’amour proprement dit, et font de ce sentiment

  • la matière la plus riche, pour ne pas dire l’inévitable

sujet de toutes les ’œuvres d’imagination. Boileau dit de l’amour. dans l’Art poétique (ch. III) : De cette passion la sensible peinture ’

Eat p›ur aller au cœur la route la plus sure. Fécond en fines et délicates analyses, aussi bien qu’en révolutions subites et pathétiques, l’amour est un fonds inépuisable comme l’humanité. Aussi, dans les innombrables expressions qu’en offre la littérature, n*a-t-on guère que l’ernbarras du choix. Si l’amour n’existe pas encore dans Homère ni dans Eschyle, s’il se laisse à peine entrevoir à la fin de l’A*ntigone de Sophocleμil se montre avec’toutes ses agitations et toutes ses fureurs dans l’Hippol*μte et dans la Médée d’Euripide. Avant les tragiques grezs, les poëtes lyriques et élégiaques en avaient admirablement exprimé les plaisirs et les douleurs ; il suffil de rappeler l’ode immortelle de Sapho. A Rome, Catulle et Properce, Tibulle et Horace, imitent et souvent éggalent les beautés de la poésie amoureuse des Grecs. Virgile, après avoir emprunte à Théocrite, avec la forme de Péglogue, la peinture des espérances et des douleurs de l’amour, trace dans l’Enéide ce caractère de Didon, imzté sans doute des Grecs, reproduit cent fois par des hommes degénie ; et toujours inimitable. Didon est la sœur ai née de toutes les amantes trahies et délaissées, de l’Ar : nide du Tasse, de la Velléda de Chateaubriand, de la Phedre même de Racine, malgré son incomparable originalité. C’est, du reste, au théâtre que l’amour éclate avec toute sa puissance : dans Rodrigue et Chimène, et dans cette admirable Pauline, capable de deux amours ; également nobles et touchants, on dirait presque également légitimes, l’amour déchire le cœur sans ébranler la volonté : il est héroïque comme l’âme du poëte. Dans Monime et Junie, il touche profondément, à force de grâce, de décence et de dignité. Dans Hermione et Roxane, il est impétueux, impitoyable, et ne connait dfautre loi que lui-même, que son intérêt, son orgueil et ses caprices. ’

Molière peint l’amour avec un relief et un éclat d’un autre genre par le contraste comique des ridicules, comine dans Arnolphe et dans Ilarpagon ; ou bien il prete a ses emportements et a.ses faiblesses, parla bouche du Misanthrope, une éloquence égale aux plus grandes beautés de la tragédie ; enfin, quand il met en scène les amoureux et les amoureuses, tels que Horace et Agnès, Cléante et Lucile, Valère et Mariane, -il donne à leur affection, à leurs querelles, à leurs raccommodements toute la graze et toute la fraîcheur de la jeunesse et dela naïveté. - Faut-il citer encore les imparfaites, mais intéressantes h. ároines de Voltaire ? les admirables créations de Shakspoare, Roméo, Juliette, Ophélia, types immortels de l’antour jeune et infortuné ? la naïve et touchante amoureuse du théâtre allemand, la Marguerite de Gœthe ? Il n’est pas besoin de multiplier les exemples, ni de descendre au-dessous des chefs-d’œuvre, pour reconnaître que l’amour est l’élément essentiel de la poésie dramatique, bien que trois des. plus beaux ouvrages de Racine et de Voltaire, Esther, Athalie, et Mérope soient des tragédies sans amour.

Il est impossible de faire entrer dans cette esquisse le détail de lfumour tel que le peignent les romans, depuis les analyses spirituelles et raffinées de la Clélie et du Cyrus, jusqu’aux vagues inquiétudes de René ; l’énumération de ces nuances nous entraînerait trop loin. Nous laissons également de côté, dans le roman et dans le drame contemporains, la théorie de l’a.mour considéré comme une réhabilitation des fautes et des crimes, et les œuvres trop souvent prétentieuses et déclamatoires que les auteurs de nos jours ont substituées åt la peinture forte et vraie de la passion. Il faut seulement, pour être juste, ne pas oublier que la poésie lyrique et la poésie élégiaque, depuis la fin du siècle dernier jusqu”au moment on nous écrivons, ont preté aux éternelles émotions de l’amour un langage neuf et souvent admirable, depuis les belles étatiques idylles de Chénier jusqu’aux Méditations de M. de Lamartine. A. D.

Aiuoun [Cour d’). V. Ccon nïmoun, dans notre Dictionnaire de Biographie et zl’Histoire. ’

moun PLATOMQUE. On désigne habituellement ainsi l’amour contemplatif, l’amour qui n’aspiro pas à la possession el, à la jouissance de l’objet aimé ; c’est 21 tort : Platon, partout on il a parlé de l’amour, le montre accompagné. du désir. Il le dit expressément dans le Dialogue qu’il a consacré à l’amour (le Banquet), et sa pensée, sous les symboles dont il l’enveloppe, n’est pas moins claire, lorsque, dans le Phèclre, il représente les ailes de l’âme faisant effort pour percer, et l’emporter vers la région des idées, toutes les fois que, dans un bel objet, elle aperçoit le reflet de la beauté idéale et céleste. Que faudrait-il donc entendre au juste par amour platonique ? L’amour et tout à. la fois le désir de la beauté idéale, amour qui ne s’attache momentanément aux beautés terrestres que comme Poiseau s’attache à la terre pour prendre son vol. Dans la pensée de Platon, l’amour doit être pur, non de tout désir, mais de tout désir sensuel. En lüdéalisant a l’excès, et toutefois en permettant, en conseillant même de commencer par la contemplation de la beauté matérielle, pour se familiariser peu à peu avec la beauté idéale, Platon ne s’est pas aperçu qu’il entrait dans une voie ou beaucoup ne le suivraient pas J USflL1’au terme. V. la Revue des Deux Mondes du ’15 oct. 1847. B E,

AMOUR mvnv, disposition, d’abord instinctive, qui nous porte, indépendamment de toute détermination précise de la foi ou de la raison, -a chercher, en dehors et au-dessus de la nature créée, un principe que nous nous plaisons a adorer. Les croyances religieuses et les conceptions philosophiques précisent.l*objet de cet amour, et, loin de l’afl’aiblir, tendent a le développer, en nous montrant Dieu comme l’Etre aimable par excellence. Sous leur influence, l’amour divin éclate dans quelques ames avec tant de force, qu’il réagit à son tour sur les idées religieuses et sur les conceptions de l’intelligence, et fimt par les obscurcir. Ces âmes sont les ames mystiques ; Le mysticisme (V. ce mot) rompt l’équilibre naturel et légitime de la pensée, du sentiment et de l’action au profit du sentiment, absorbe la foi et les œuvres dans l’amour, et fait de l’amour le principe dominant et suprême. Y. Mysricisiur, Sem-niaN’r nrucirux, et, dans notre Dictionnaire de Biographie et d’Histoire, Quiértsuc. B— s. Aiuoun ne sor, nom donné a l’ensemble des principes égoistes (V. Ecoisiun, ÎNSTINCT, Inréiuãr) transformés par la réflexion en principes rationnels d’action et concourant, sous la règle de l’intérêt bien entendu, à la recherche du bonheur individuel. Ijamour de soi n’a rien de commun avec les autres formes de l’amour. V. sur cc sujet Reid, Essais sur les facultés de l’Esprit humain, Essai Ill, 3° partie ; D. Stewart, Esquisses de Philosophie morale, section V ; et, dans les Mélanges philosophiques de Joufïroy, l’article intitulé De l’amour de soi. B-iz. moun-vnórne, -satisfaction que’nous ressentons de nous-mêmes, de nos qualités réelles ou imaginaires, et plutôt encore de celles-ci que de celles-là. C’est, suivant la forte expression de Molière (Les Femm. savantes, I, 3), Cette intrépidité de bonne opinion qui

fait que nous ne trouvons qu’a louer en nous, et dont La Rochefoucauld, dans ses Maximes, a décrit la nature et les effets avec une profondeur si remarquable et parfois si attristante. Quand ce sentiment est exagéré, on peut en dire avec M” Deshoulières :

L’amour-propre est, hélas ! le plus sot des amours. ’ B-E.

AMOUREUX, personnage dramatique dont l’amour est le principal mobile, et artiste chargé de le représenter. Hippolyte de Phèdre et Valère de Tartufe sont des roles d’amoureux. Ces rôles exigent une figure agréable, un air de jeunesse, l’aisance et la distinction du maintien, un débit chaleureux et un organe flatteur. Fleury, Armand, Mcnjaud, Firmin et M“° Mars ont laissé, comme amoureux, un nom célèbre au théâtre. Dans les troupes dramatiques, on distingue, pour les hommes et pour les femmes, un 1", un 2° et un 3° rôle d’amoureux ; les acteurs qui tiennent les premiers roles s’appellent aussi jeunes-premiers. Dans l’opéra, c’est, en général, au ténor qu’on donne les rôles d’amoureux. B.

AMOVIBILITE DES EMPLOIS. Elle est un des principes des gouvernements démocratiques, parce que la liberté, naturellement ombrageuse et jalouse, ne veut subir aucun joug, et que les citoyens même les plus vertueux pourraient se laisser corrompre par la séduction du pouvoir. Toute fonction que l’élection confère est par cela même amovible. Dans un gouvernement despotique, tout est également amovible ; car Pinamovibilité, pouvant opposer une résistance, est incompatible avec -une pareille autorité. Dans les gouvernements représentatifs, les places d administration sont amovibles : Lamovibihté appliquée à la magistrature pourrait avoir de funestes