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LE SERVITEUR

se baisser pour arracher, qu’à étendre le bras pour cueillir. Tu n’as, toi, qu’à te courber pour bêcher, qu’à tendre le bras pour arroser. Grâce au jardin et grâce au champ, grâce à toi qui les cultives, nous vivons sur nos propres ressources. Il ne nous manque qu’une grange, qu’une batteuse et qu’un four pour que nous puissions nous passer du boulanger.

Mais je n’y songe même pas. Je ne rêve pas d’une vie différente de celle que je découvre à mesure que j’y vois plus clair. Elle m’entoure de tous côtés. Elle épouse exactement tous les retraits de ma pensée, ou plutôt c’est ma pensée qui se moule sur elle. Il n’y a pas une défectuosité, pas un vide. Avec toutes ses dépendances, avec tous ses compléments, la maison fonctionne comme une machine parfaite. C’est toi qui l’as mise au point, qui la surveilles, qui la diriges. Notre vie ne s’en va pas au hasard, le long de routes indéterminées. Sur les deux rails de l’ordre et du travail qui la maintiennent, elle avance avec une force tranquille. Elle n’est point haletante. Lorsqu’elle s’arrête, c’est pour se reposer aux gares des beaux dimanches, par des matinées claires où le soleil est tout neuf