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LE SERVITEUR

me lier avec Jules Ferry. Il venait manger l’avoine dans le creux de ma main. Nous étions devenus une paire d’amis.

Or, le matin de la Toussaint, comme je revenais de servir la messe à la chapelle des sœurs, je te vis dans la pièce du fond occupé à te raser. Tu me dis :

— Regarde-le donc ! Tu ne le vois pas ?

Tu me désignais sur le billot, dans un angle sombre, quelque chose que je ne distinguais pas. Je m’approchai. Je vis mon ami, les pattes liées et retenues sur le billot par deux de tes lourds coins à fendre le bois, le bec touchant le fond d’un petit plat posé sur les carreaux. Doux, mais, en cela pareil à presque tout le monde, tu estimais que les bêtes sont faites pour être tuées et mangées. Tu étais de ceux dont on dit qu’ils ne feraient pas de mal à une mouche et qui, pour tuer un lapin, de la pointe du couteau lui font sauter un œil.

Ayant fini de te raser, tu le pris par les pattes . Je vis ses petites paupières rabattues : elles étaient légèrement bleuies, et il y avait du sang sur ses plumes. Non seulement tu n’avais pas de remords, mais tu dis en riant :