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LE SERVITEUR

tu ne doutais pas qu’il ne connût tout. Tu voyais en lui plus qu’un homme. Même lorsqu’il venait chez nous, certains soirs d’hiver, tu ne pouvais oublier qu’il revêtait couramment l’aube, la chasuble, la chape. Tu ne lui disais pas vous. Tu ne lui parlais qu’à la troisième personne.

— Monsieur l’abbé a bien raison… Je suis tout à fait de l’avis de monsieur l’abbé.

Tu ne pouvais pas lui donner tort. Il t’aurait été impossible de ne pas être de son avis. Le monde comprend différentes catégories spirituelles, de même qu’il se divise en castes sociales d’inégale valeur. Il ne t’en coûtait pas de reconnaître que, de même que tu n’étais pas un bourgeois, tu ne fusses pas un prêtre. Des jardins des riches comme du sanctuaire de l’église tu n’étais que l’humble serviteur. Même chez toi où tu étais le maître, tu ne l’oubliais pas, heureux de redevenir, chez toi, le serviteur de tes maîtres du dehors. C’est l’orgueil qui nous perd. C’est l’orgueil qui fait que la plupart des hommes réclament des salaires plus élevés que ceux auxquels leur donnent droit et leur science et les services qu’ils rendent. Certes, nous n’ignorons pas qu’il n’y ait sur terre de