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LE SERVITEUR

grandes injustices. Nous n’estimons pas que les riches aient toujours raison, mais nous savons qu’ils ont leurs raisons d’être ce qu’ils sont. Tu ne connaissais point la jalousie. Tu n’enviais ni ceux qui vivent de leurs rentes, ni ceux qui dans des ateliers ou dans des boutiques gagnaient beaucoup plus d’argent que toi en se fatiguant moins. Tu devinais que nous devons connaître chacun nos limites, et que ce n’est point se résigner à la médiocrité que d’être satisfait de cultiver seulement son propre jardin sans convoiter celui du voisin. Il suffit qu’il y pousse de beaux légumes, que les arbres fruitiers ne soient pas improductifs, et qu’il y ait place pour quelques humbles fleurs.

Tu ne réclamais ni le partage des biens, ni le bouleversement de la société. Si tous les ouvriers devenaient riches du jour au lendemain, ce serait du joli ! Il y en a quatre-vingt-dix-neuf sur cent qui ne voudraient plus rien faire. Car nous les connaissons bien : ils ne vont au travail qu’en rechignant. Nous connaissons aussi Lavocat, qui ne fait œuvre de ses dix doigts, et dont les gamins vont voler, la nuit, dans les champs et dans les toits les légumes qui se