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LE SERVITEUR

meil. Une heure n’avait pas sonné que tu étais debout. Tu avais du courage.

Le soir, quand la nuit collait tellement à la terre qu’il devenait impossible de travailler, tu consentais à t’asseoir sur le pas de la porte, parlant alors très peu, te contentant de regarder les étoiles. Leur anonymat les faisait pour toi plus mystérieuses encore. Leur lumière vacillait comme, au souffle du vent, la flamme d’une bougie dans une lanterne. Elles étaient innombrables. Qui les allumait chaque soir au fond des espaces ? Et tu pensais selon ton habitude qu’ici bas nous sommes « moins que rien ». Tu n’estimais pas que concevoir le monde ce soit le créer. N’ayant pas le vain orgueil des philosophes qui se paient de mots, tu estimais que l’univers fut créé une fois pour toutes, et qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une pierre ait son existence propre, que nous eu ayons conscience. Si l’on avait tenté de l’expliquer tous ces systèmes qui nous sont venus d’outre-Rhin, d’abord tu n’y aurais rien compris, puis tu te serais mis à rire.

En été, cependant, portes et fenêtres étaient plus souvent ouvertes que fermées. On vivait