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LE SERVITEUR

plus dehors qu’à l’intérieur de la maison. J’en prends à témoin ces soirs où nous restions sur le seuil jusqu’à dix heures, attendant que la brise soufflât sur les baguettes feuillues des tilleuls des Promenades.

Nous ne nous mêlions pas souvent aux groupes, mais il faisait si clair que nous voyions tout, et si sonore, que nous entendions tout. Tu dois te rappeler encore, pour en rire, ce qui se passa un de ces soirs-là.

Sur les bancs de grès, de granit, de bois, presque tout le monde du quartier était assis. Les hommes, en bras de chemise, fumaient leur pipe ; les femmes, selon leur habitude, étaient loquaces. Les gamins regardaient le ciel sillonné d’éclairs de chaleur qui les effrayaient un peu, troué d’étoiles, toujours les mêmes, toujours aussi douces, qui les tranquillisaient. Il y avait là Mme Viollet, Mme Leprun, d’autres encore, et la mère Nadée, une vieille gardeuse de chèvres qui sentait fort, mais on était habitué à son odeur. Il y avait aussi Garuchet, le clairon des pompiers. Sauf les jours de revue et les nuits d’incendie, un clairon de pompiers est un homme comme les autres. Et, ce soir, ou plu-