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LE SERVITEUR

tais le vin en bouteilles. On a vite fait d’y attraper une courbature quand on n’en a pas l’habitude, mais tu résistais à tout. Les jours de lessive, tu transportais les deux cuviers avec le « sarrau » lourd de cendres, allant et venant de la maison au puits avec deux seaux alternativement vides et pleins. Toujours sur ta brouette tu portais le linge au lavoir où tu retournais le prendre. Il s’égouttait des deux côtés, et juste au milieu des traces humides la roue creusait la sienne dans le sable sec.

Dans la cour, à proprement parler, tu ne travaillais pas ; mais tu y faisais tes évolutions. Tu y chargeais et déchargeais ta brouette. Tu la traversais avec une botte de paille piquée à la pointe de ta fourche, avec du trèfle sur les bras, avec un panier, avec une bouteille à la main. Tu y parlais à haute voix bien qu’elle fût entourée de maisons et de toits d’où les lapins ne sortaient jamais. Mais tu ne redoutais pas les indiscrétions des lapins ; nos voisins et toi, vous vous connaissiez depuis longtemps.

C’est surtout dans les petites villes que chacun devrait savourer son bonheur. On n’y voit guère de ces arrogants ni de ces moqueurs qui