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LE SERVITEUR

lune de décembre n’eût point, à huit heures du soir, projeté ton ombre sur le carré où la neige avait pris la place du trèfle rouge. Tu n’étais pas de ceux qui, bouleversant leur vie, mettent la charrue avant les bœufs. Tu savais que le jour est fait pour le travail, et la nuit pour le sommeil. Tu n’ignorais pas qu’il ne fût de bon ton, à Paris, de se coucher à cinq heures du matin, et que ceux-là seuls qui ont ainsi occupé leur jeunesse peuvent connaître ce qu’ils appellent la vie.

Comme nous n’avions point d’âne, c’était toi qui sur ta brouette ramenais du champ à la maison l’avoine et les pommes de terre. Tu ne faisais pas qu’un voyage. Mais tu ne regardais pas plus à la fatigue de tes jambes qu’à la fatigue de tes bras.

Il y avait toujours à faire. Et je ne parle même plus du jardin ni du champ. Dans la cave, sur le sol mou, tu fendais les souches les moins dures et sciais le bois de moule. Parce que tu avais partout le sentiment de l’ordre et de la rectitude, tu l’empilais en un tas rectangulaire : tu t’entendais parfaitement à en établir les coins avec des morceaux entrecroisés. Tu met-