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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/156

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LE SERVITEUR

cèdes partout. Mes yeux, toute mon enfance, ne se sont reposés que sur tes mains déformées, à la longue, par le manche de la pioche et de la cognée, que sur ton front souvent soucieux. Je t’ai va rire parfois : je ne t’ai jamais vu sourire. Si je songeais à mes aïeux, c’étaient d’autres fronts pareils au tien, d’autres mains pareilles aux tiennes, que je voyais dans la pauvre ferme de ce pays de rochers et de bruyères.

Rentré dans ton pays avec l’idée d’y vivre de ton travail, tu représentais une bonne volonté et deux bras qui ne demandaient qu’à s’employer. Peu t’importait à quelles besognes. Au jour le jour tu appris, en le pratiquant, ton métier de jardinier. C’en était assez pour la petite ville et pour toi. Personne ne songeait à te demander de créer un jardin. Il suffisait que tu pusses entretenir ceux qui existaient déjà. C’est ainsi que bientôt tu sus cultiver les melons, greffer les arbres fruitiers, couper le gazon des pelouses, blanchir la chicorée, égaliser les bordures de buis, mettre ce qu’il faut de fumier aux endroits qui en ont besoin, écheniller, tailler les haies, marcotter, ramer les pois, et que sais-je encore !