Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
LE SERVITEUR

Mais tu n’étais pas seulement jardinier. Tu étais le journalier qui exécute pour le compte des autres les mêmes travaux que chez lui, mettant le vin en bouteilles, sans en boire une goutte, sciant le bois de moule et fendant les souches, aussi soigneusement que si c’eût été pour nous. Tu aimais le travail bien fait, et ignorais l’existence du mot « sabotage ». On te rétribuait selon tes mérites. Tu travaillais de toute ta force, en toute loyauté, ne regardant pas avec arrogance les maîtres de quelques heures ou de quelques journées. Tu ne manifestais point l’insupportable orgueil de ces ouvriers qui se disent : « Si je venais à me croiser les bras, c’est le patron qui serait embêté ! » Les patrons ont souvent des torts : il se peut qu’ils ne les aient jamais tous. Les tiens, pour toi, avaient toujours raison. Tu obéissais même à leurs domestiques. Ce n’était point platitude, mais connaissance exacte des obligations de ta vie et conscience de la nécessité de l’ordre social.

Tu faisais partie de la grande famille de ces ouvriers que l’on ne rencontre guère que dans les petites villes. Il y en a aussi quelques-uns