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LE SERVITEUR

trop de toute ta journée. M. Teste pouvait avoir confiance en toi : tu ne t’en irais pas avec le montant des encaissements. Malgré ta bonne volonté, malgré l’attention que tu y mettais, il t’arrivait de rentrer avec une pièce fausse. Tu rentras même une fois avec un déficit de cinquante francs. Toi qui d’habitude ne dormais pas beaucoup, tu fus plusieurs nuits de suite à ne pas fermer l’œil ; serais-tu obligé de rembourser de ta poche ? M. Teste n’alla point jusque-là.

C’était lors de tes tournées que tu voyais ces commerçants qui vivent au jour le jour. À la présentation de la traite ils font semblant de fouiller dans leur caisse qu’ils savent vide. Ils ont l’air tout étonné de n’y pas trouver sou qui vaille. Tu les regardais, et c’était toi qui te sentais gêné. À leur place tu aurais remué ciel et terre. Car tu faisais honneur à tes engagements. Au surplus nous payions toujours argent comptant. Et tu te glorifiais — tu en avais le droit — de n’avoir jamais dû « un centime à personne ». Mais la plupart d’entre eux étaient des piliers de cafés où ils laissaient le plus clair de leurs bénifices. Dans ces conditions les caisses