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LE SERVITEUR

que je n’aurais pas peur. Sans doute, pour déjouer les attaques, m’adosserais-je au mur, face aux ténèbres et au silence ; mais, de ne voir et de n’entendre venir personne, ma nuit se passerait à trembler dans l’attente.

C’est la nuit que le voile du Temple se déchire. On aperçoit les étoiles innombrables, et l’on songe à toutes celles qu’on ne voit pas. La nuit, dans les campagnes, est l’heure de Dieu pour tous ceux qui jamais ne s’endorment qu’en pensant à leur salut et se réveillent en sursaut avant le chant du coq, comme si les grandes vagues de l’infini venaient battre contre les volets clos de leur maison.

Je n’ai pas besoin de me retourner pour voir l’église. Je sais qu’elle est là. Ses fondations descendent dans la terre plus bas encore que tu n’y es descendu. Si son ombre ne s’étend pas vers moi, la lune la projette sur une partie de la petite ville, sur beaucoup de toits qui n’en ont pas conscience.

Ce n’est point la « chapelle sur le bord d’une rivière rapide ». C’est « une pierre éternelle », mais non point « dressée auprès d’une eau qui s’écoule ». Partout notre pays est celui de la