Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
LE SERVITEUR

d’abat-sons, ses quatre baies sont quatre bouches qui envoient aux quatre coins de l’horizon les proclamations des cloches. Elles sont trois, là-haut, la petite, la moyenne et la grosse. Il faut les avoir vues, immobiles, accrochées au milieu des énormes poutres qui s’enchevêtrent, dans le silence du clocher clair où la lumière semble être à son printemps, où l’air frais circule avec douceur. Une chauve-souris, qui vole là-bas au-dessus des voûtes de la nef, vient les effleurer d’une aile veloutée, et retourne vite dans son royaume d’ombre. Parfois, portés sur les ailes invisibles du vent, un grain de sable, un fétu de paille frappent imperceptiblement sur le métal sonore. On dirait alors qu’une de nos cloches soupire. Trente années durant, trois fois par jour tu sonnas l’Angélus pour rappeler à notre petite ville que trois fois par jour il était l’heure de songer à la prière. Tu ne te contentais pas de le sonner : tu le récitais en même temps. Tu ne connaissais pas le latin, mais, à force d’entendre répéter certaines phrases, tu avais fini par les savoir par cœur et par les comprendre. Tu tintais les trois premiers coups, et tu prononçais mentalement :