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LE SERVITEUR

te frayer ton chemin. Les cantonniers sont assez payés pour prendre l’initiative de faire la grasse matinée.

Tu sonnais l’Angélus à cinq heures précises en été, à six heures précises en hiver, toute l’année à midi précis et, le soir, à la tombée de la nuit. Pour le matin et pour midi, la petite ville avait plus confiance en toi qu’en l’horloge de sa mairie qui parfois se détraquait : de trente années tu ne te détraquas jamais, ni ne te départis du besoin de l’ordre et de l’exactitude. Seul chargé du service du chœur et de l’intérieur de l’église, tu ne l’étais pas seul des cloches. Tu n’aurais pas suffi à les sonner toutes les trois en même temps, les veilles et les jours de grandes fêtes. Il y avait le sonneur, et les gamins pour qui tirer sur les cordes était une grande joie. Mais les trois Angélus quotidiens t’étaient réservés.

Les dimanches étaient pour toi de beaux jours de repos et de prière. Dès le matin tu te rasais. Vêtu presque comme un bourgeois, tu mettais tantôt des bottines à élastiques, tantôt des souliers à lacets. Portant une chemise à plastron blanc et à faux-col, pour un jour tu cessais d’être l’ouvrier qui s’en va en sabots à