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LE SERVITEUR

bile devant elle, et ses pieds ne reposent point sur les dalles. Il tient un lys à la main. Il s’incline en disant : Je vous salue, Marie. Puis, sa mission remplie, il disparaît. Et le parfum du lys continue d’embaumer la chambre. Écoute aussi la cloche de la chapelle du Vieux-Château. Nous n’avons pas souvent occasion de l’entendre. Elle ne sonne guère qu’aujourd’hui, et que les jours, heureusement rares, où quelque formidable orage nous menace tous. Bien entendu, elle sonne aussi le jeudi et le samedi saints, fière d’annoncer, au même titre que ses trois grandes sœurs de l’église, son départ pour Rome et son retour. C’est une très ancienne voix de pauvre cloche solitaire dans un clocheton branlant recouvert, en guise d’ardoises, de lamelles de bois qui pourrissent. Mais, avant les nôtres, que d’oreilles elle a dû frapper ! Il nous suffit de l’entendre pour nous représenter la longue et indécise série de nos ancêtres, pauvres paysans vivant d’eau pure, de racines et de pain noir, humbles commerçants sur qui s’appesantissaient les rigueurs de la taille et de la gabelle, et qui avaient pourtant travaillé, de pères eu fils, pour édifier ces maisons et fonder