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LE SERVITEUR

jours loin des chemins ; mais, si l’on en approche, cette bande se disperse aussitôt. » Ah ! Comme je vous vois bien, pauvres oiseaux des champs que, seul, le chasseur a intérêt à découvrir !

Tu arrives au dernier siècle de ta grande misère. Le devines-tu ? Le désires-tu seulement ? Tu avances avec peine. La dernière étape sera rude, je t’en préviens, mais tu ne la redoutes pas. Écoute ce que dit de toi le plus grand honnête homme du grand siècle, notre compatriote, et dont l’âme conserva, parmi la mollesse des mœurs, la dureté de notre granit : « Il ne faut pas s’étonner si des peuples si mal nourris ont si peu de force. À quoi il faut ajouter que ce qu’ils souffrent de la nudité y contribue beaucoup : les trois quarts n’étant vêtus, hiver et été, que de toile à demi pourrie et déchirée, et chaussés de sabots dans lesquels ils ont le pied nu toute l’année. Que si quelqu’un d’eux a des souliers, il ne les met que les jours de fêtes et dimanches. L’extrême pauvreté où ils sont réduits (car ils ne possèdent pas un pouce de terre) retombe par contre-coup sur les bourgeois des villes