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LE SERVITEUR

rir et à loger les garnisaires. En sortiras-tu, vieux besogneux ? Ton visage ruisselle, et ton corps. Tes pieds nus sont noirs de poussière. Allons ! Encore un coup de houe pour le Roi ! Un autre pour Monseigneur le Dauphin ! Un autre pour Mme de Montespan ! Un autre pour Mlle de La Vallière ! Et d’autres à l’infini, pendant des jours, des mois et des années, pour tous ceux que tu dois nourrir ! Vieil homme accablé, comme ton frère l’âne sous son bât ! Lui du moins, parfois rue, parce qu’il obéit à l’instinct. Mais nous autres, les hommes qui réfléchissons, nous nous disons que telle est notre destinée. Et vous êtes ainsi quelques centaines de milliers à peiner sans trêve pour toujours payer, et pour économiser quelques liards que vous dissimulez aux garnisaires, pendant que vos frères commencent à lever la tête pour voir passer les carrosses dorés de la suite du roi, et à serrer les poings et les mâchoires. Te voici à tes heures d’affaissement ou de chômage : « Il n’y a point de nation plus sauvage que ces peuples. On en trouve quelquefois des troupes à la campagne, assis en rond au milieu d’une terre labourée et tou-