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LE SERVITEUR

votre mère n’avait le temps ni de vous embrasser ni de vous battre. Sommairement vêtus, en toute saison vous portiez des sabots ferrés, parce que les clous s’usent moins vite que le bois. Il n’y avait pas de domestiques. En toute saison également il fallait que tout le monde fut levé de bonne heure. C’était la famille qui peine, héritière des serfs du haut moyen âge, puis de Jacques Bonhomme, depuis le père âgé de quarante ans jusqu’au plus petit des gamins qui n’a pas encore cinq ans, dans l’espérance de pouvoir se reposer un peu avant de mourir, ou simplement parce que l’homme a été fait pour travailler la terre. Parfois, la Saint-Martin venue, il était dur de payer le montant du fermage à l’abbé Petitier, le propriétaire. Vous ne mangiez un peu de viande que lors des grandes fêtes. Vous ignoriez l’existence de la vigne. Vous n’aviez que du pain de seigle mélangé de pommes de terre. Le froment était bon pour les riches : ton père le vendait. Je vous vois rassemblés tous les sept les soirs d’hiver, à l’époque où Louis-Philippe Ier régnait sur la France, et où l’on signalait des bandes de loups dans les bois. Je vois votre ferme qui cer-