Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
LE SERVITEUR

et buisson par buisson, les chemins de traverse qui réduisent la longueur du trajet. Il arrive guêtré, la lanière de cuir de son bâton enroulée autour du poignet. Certaines maisons, il n’y entre qu’avec méfiance, devinant qu’on va lui parler maladies, chômage forcé, qu’on ne lui paiera que la moitié du terme. Il ne sait pas élever la voix, et certains de ses locataires ne l’ignorent pas. Il a beau tenir son bâton : certains de ses locataires savent qu’il ne s’en sert que pour s’aider à marcher. Mais, lorsqu’il gratte ses souliers sur la première, puis sur la deuxième pierre de notre seuil, son visage s’épanouit. Chez nous il n’y a ni maladies, ni chômage. C’est le matin. Tu travailles au dehors. Mais ma mère est là. Il n’a qu’à étendre le bras, et à laisser son reçu préparé. Ce n’est pas lui qui jamais te donnera congé. Les bons payeurs sont rares. Nous pourrons demeurer ici jusqu’au jour de notre mort : la maison nous appartient.

Voici les deux alcôves où, derrière les rideaux, les deux lits dorment tout le jour. Au-dessus de chacun d’eux un crucifix est accroché avec un bénitier et une branche de buis bénit. Ce